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Variations autour de l'Envers

Comme dit ma femme "l'été est toujours une trop courte parenthèse dans cette vallée". En tant qu'alpiniste, c'est une période que j'apprécie pleinement car les objectifs que je me fixe sont tranquilles, sans pression et interrogation de toute sorte.
Mes sorties ont été à l'image des créneaux de beaux temps : brèves, rares et intenses. Après une apparthée bien trop fraîche sur l’arête Kuffner, je me suis régalé du versant ensoleillé des aiguilles de Chamonix. La météo saupoudrant régulièrement les sommets au-dessus de 3500 mètres, l'Envers des Aiguilles offre un terrain de jeu en parfaite adéquation avec mes ambitions de la saison : des parcours un peu long en terrain peu difficile. Si l'on y rajoute de belles faces, du soleil, du rocher sain, un sac léger et un horaire de réveil "normal", cet acharnement compulsif en deviendrait compréhensible.

Grépon-Mer de Glace sera notre 1er objectif, une valeur sûre du secteur. Il y a surement plus de 10 ans que je n'ai pas refait cette course, Alzheimer aidant, je suis quasiment "à vue". Vincent lui l'a fait il y a peu mais avec une mémoire vive n'excédant pas 1 semaine, on va devoir ouvrir les yeux. L'avantage des parcours à la journée réside essentiellement dans le fait qu'il fait jour...avec un premier train à 8.30, pas de galère de franchissement de rimaye à la frontale . Vinc' retravaillant au bureau à 17h, on aura que peu de temps pour discuter de l'adage "C'est pour la plupart des hommes un exemple décourageant que la sérénité d'un cochon". Du découragement, nous n'en auront pas trop subi car la voie est pliée en un peu plus de 2h jusqu'à la brèche.
2 semaines plus tard, Fab Dugit France embarque à bord du train du Montenvers avec nous. Direction : l'aiguille du Plan.



 Cette fois, personne n'embauche à 17h mais un pote fait son pot de départ en début de soirée. Avec toute les farattes qui traînent en ces occasions, on sait qu'il ne faudra pas arriver trop tard si on veut avoir droit à un verre de punch et des petits fours!!!!
Réglé de la fois d'avant, je gagne 1 kg car j'ai compris que je pouvais remplir la gourde à coté du refuge. Un bon podcast d'életro nous motive, du coup la montée est dure mais pas trop longue, les choses se gâtent quand on prend pied sur le glacier. Pas une trace et avec le soleil qui tape depuis un bon moment, à chaque pas on s'enfonce d'une bonne dizaine de centimètre.

 Au début, on a le moral car vue qu'on vise la mauvaise montagne, la face parait proche. Quand on se rend compte que l'on ne va pas au Pain de Sucre mais bien plus en amont, je me dis que le podcast va être un peu court... L'attaque de la voie Ryan est réputée pour sa triple rimaye mais pour nous pas de souci de rimaye car en étant à midi au pied il va falloir trouver une alternative. Le rocher restant le plus sûre face à la neige molle, on passera par là. A une chute de pierres évitée de 20 secondes et une glissade du leader arrêtée 2 mètres au-dessus de la rimaye haute de 10 m, on peut dire que cette option déroule bien.


 Sans se concerter, on est unanime pour dire que l'issue se fera vers le haut. Une fois ces fantaisies effectuées, la ligne est vraiment classe, le cheminement demande un peu de réflexion car les options sont toujours multiples et en tous cas toujours très athlétiques. Respect pour les frères Lochmatter qui en 1906 avaient une sacré sérénité de cochon pour envisager l'ouverture de cette itinéraire d'envergure en partant du train du Montenvers ...en 12h40!!!!!! Bon au final, on passera autant de temps sur le sentier que dans la voie, 4 heures pour chacun. A 16h, au sommet de l'aiguille du Plan nous avons 2 solutions : mettre 1h pour rejoindre l'Aiguille du Midi mais si on se rate sur l'horaire, on rate la benne. Soit on se tape 2600m de dénivelée négative à pied et on est sûr d'étre à Cham ce soir. La chance nous sourit car une trace énorme part en direction du refuge du Requin, il nous faudra encore 6 bonnes heures pour atteindre la vallée. C'est curieux, arrivé à l'apéro à Francis tout le monde se tenait loin de nous, soit disant qu'on sentait un peu la transpiration....





Le 3ème et dernier "summer run" se déroulera sur Roc-Grépon, encore une classique que ni FabienDugitFrance ni moi n'avons eu la chance de parcourir. Largement moins fréquentée que sa voisine Grépon-Mer de Glace, elle n'en mérite pas moins le détour car après les sections faciles de départ, le bastion de l'aiguille de Roc offre de belles résistances. Si seulement 73 m sépare l'altitude de l'Aiguille de Roc de celle du Grépon, il y a une petite marche de 60m à redescendre avant de reprendre l'ascension. Après deux rappels, on remonte le dièdre Frendo qui de loin ne semble pas très accueillant,  mais moyennant quelques monodoigts dans les oeilletons des nombreux pitons, ça se passe assez bien. Encore une fois, la montée déroule bien et on apprécie le panorama sur la vallée de Chamonix dés 14h.






S'il est clair que la légèreté permet ce genre d'horaire, elle ne reste qu'un des éléments de la réussite. A contrario du runner de sentier, il faut bien plus d'atouts que des grosses cuisses à un alpiniste pour diminuer son chrono. La légèreté du sac est relative quand on évolue en montagne même par beau temps, même en été. Le minimum se composera d'une doudoune, des gants, une frontale, des vrais crampons et un vrai piolet car l'été les affleurements en glace grise ne tolère que très mal l'alu. Concernant les chaussures, avec des paires de modèle alpi à 1350g, je pense que celui qui continue à aller au pied des faces en basket ferait mieux de changer de sport. Un autre domaine qui permet de gagner un temps précieux est la maîtrise des manips de corde. Même en rocher, suivant la difficulté et la configuration du terrain, la distance d'encordement variera sans cesse. Globalement, il n'y a que peu d'arrêts quand on grimpe Grépon MDG en 2 heures. Une arête ou un passage facile, la cordée est à 15m avec toujours 1 ou 2 points entre les types. Puis, quand ça grimpe un peu plus ou que le leader à une petite baisse de confiance, le second reste sur un point sûr et délove ses anneaux. Question matos de progression, il est bon de ne pas être trop limité, un peu plus de friends et de dégaines permettent au leader de ne pas s'arrêter tous les 50m pour être ravitaillé. On profitera du recomplètement matos pour manger une tite barre, boire un coup, se connecter sur Facebook et jeter un oeil au topo. Avoir une photo de la face prise pendant l'approche, permet de se situer plus facilement dans l'itinéraire.

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